Crise des réfugiés: Comment chacun de nous peut porter secours aux réfugiés syriens (et les autres)?

Ce billet a été publié en anglais sur le blog de Jillian C.York. Jillian, représentante des bénévoles au sein du Conseil d’administration de Global Voices. Mon amie Jillian est directrice internationale pour la liberté d’expression de  Electronic Frontier Foundation (EFF). Elle écrit pour plusieurs plateformes dont Al Jazeera English et The Guardian

Son article a été traduit en français par Claire Ulrich, responsable du site Global Voices en français et y fournit ses services depuis le 2 mars 2007. Elle a 2467 contributions à son actif, sans compter la formation des blogueurs francophones à la méthode de travail de GV et la révision des milliers de billets qu’ils ont traduits.

C’est elle qui m’a mis les pieds à l’étrier en matière de blogging et soutenu pendant les moments de découragement.    

Titre original: Comment aider les réfugiés syriens (et les autres)

Une famille de réfugiés afghans quittent la gare de Keleti à Budapest en Hongrie. Page Facebook Budapest Seen.
Une famille de réfugiés afghans quittent la gare de Keleti à Budapest en Hongrie. Page Facebook Budapest Seen.

La crise des réfugiés en Europe provoque beaucoup de demandes sur les associations auxquelles donner et sur comment aider les réfugiés syriens et d’autres nationalités. Il existe de très nombreuses initiatives, en voici quelques unes que je recommande personnellement (Ndlt : Europe, Liban, USA).

  • Refugees Welcome: Le site est principalement rédigé en allemand, mais vous pouvez faire un don ou contribuer au loyer mensuel d’un réfugié ici. Les résidents en Allemagne peuvent aussi agir comme bénévoles, ou offrir un hébergement chez eux si cela leur est possible.
  • Migration Aid: cette association philantropique aide les réfugiés qui arrivent en Hongrie et accepte les dons en liquide et les dons en nature.
  • Le Migrant Offshore Aid Station aide les réfugiés en mer. Je pense que cette initiative est valable mais il mieux vaut lire leur FAQ pour savoir ce qui se passe avec les réfugiés après les avoir secourus en mer.
  • L’organisation britannique Refugee Action offre différents services aux réfugiés qui ont atteint la Grande Bretagne.
  • UOSSM Canada fait appel aux dons et aux volontaires dans sa province canadienne, l’Ontario.
  • Ceux qui se trouvent à Budapest en Hongrie peuvent devenir bénévoles de The Secret Kitchen, qui prépare des repas pour les réfugiés en Hongrie.

Il y a deux ans, j’avais publié un post sur comment aider les réfugiés syriens. Je recommande toujours les organisations citées à l’époque mais j’ai décidé d’y ajouter des organisations plus récentes. Certaines sont à nouveau cité dans le post le plus récent. Je remercie chaudement Lina Sergie Attar et Sima Diab pour leur aide.

Comme spécifié lors de la première publication, j’ai souligné les organisations qui bénéficient d’un abattement fiscal aux Etats Unis et qui ont des notes élevées dans les classements américains GuideStar et Charity Navigator, avec quelques exceptions notoires.

L’ordre des suggestions ci dessous n’est pas un ordre qualitatif.

  • Save the Children est une association internationale très réputée (notée 95.01/100 sur le Charity Navigator) et éligible à une déduction fiscale aux USA. Elle gère actuellement le fonds Syrian children in crisis. Leur programme est unique, dans le sens où l’organisation travaille à créer des espaces “child-friendly”, des endroits sûrs où les enfants peuvent jouer et être assistés, qui leur permettent d’oublier la réalité difficile qu’ils affrontent. C’est important, dans le sens où le soutien psychologique durant ce type de crise est aussi vital que les soins médicaux et autres.  Guidestar donne aussi une excellente note à Save the Children.
  • La Syrian American Medical Society Foundation a reçu une étoile d’argent de Guidestar. Elle n’est pas encore notée par le Charity Navigator (qui exige sept déclarations d’impôts successives). L’organisation gère des programmes locaux au Liban et dans le sud de la Syrie. Leur rapport annuel stipule que 1% des dons ont été utilisés pour les frais de gestion en 2013.
  • Basmeh & Zeitooneh ne figure pas dans les guides américains des ONG car elle n’a pas d’existence juridique aux Etats Unis mais des amis syriens et libanais m’en ont dit beaucoup de bien. Le groupe de soutien, qui est basé au Liban, travaille principalement avec les réfugiés syriens au Liban Elle propose du soutien psychologique, des vêtements, des vivres, et autres besoins. Vous pouvez faire un don ici. Le groupe anime aussi un atelier pour les femmes.
  • L’ International Rescue Committee est une agence humanitaire très réputée (95.36/100 sur le Charity Navigator) dont l’efficacité dans l’utilisation des fonds est remarquable. (93% des fonds pour les programmes,seulement 3% pour les campagnes de collectes de dons). Vous ne pouvez pas demander que votre don  aille spécifiquement aux réfugiés syriens, mais l’organisation fait du très bon travail tant en Syrie qu’ailleurs. Et si vous êtes à court de fonds, l’IRC propose une ‘boite à outils” pour lever des fonds pour des causes données. L’IRS n’a pas d’affiliation religieuse et est indépendante du gouvernement.
  • La Middle East Children’s Alliance est une association à but non lucratif qui travaille localement et à l’international. Elle conduit actuellement une campagne pour procurer des aides de première urgence aux réfugiés syriens qui vivent au Liban.  Notée  70.79/100 par le Charity Navigator, en raison de coûts élevés de levées de fonds, et de sa localisation dans la Bay Area de San Francisco. Les données financières sur  Guidestar datent un peu.
  • Relief and Reconciliation est une organisation caritative qui gère un Centre de la paix au nord du Liban pour aider “les personnes de toute confession…à sortir de la violence et à trouver un meilleur futur.” Leur page “A propos” fait état de références impressionnantes !
  • Islamic Relief– est une organisation caritative musulmane et travaille à aider les Syriens réfugiés au Liban, par des distributions de nourriture, de vêtements et de médicaments.  Comme avec l’IRC, il n’est pas possible de diriger spécifiquement votre don pour la Syrie, mais vous pouvez donner à leur fonds d’urgence.   IR propose aussi  d’organiser des levées de fonds locales. NB pour les musulmans : propose des guidelines pour faire l’aumône avec des cartes bancaires.
  • Syrianorphans.org est une petite organisation qui n’est pas encore listée par GuideStar, mais assure qu’elle n’utilise aucun des fonds donnés pour ses dépenses de promotion et que tous les dons sont utilisés exclusivement pour venir en aide aux Syriens.
  • L’organisation caritative musulmane Zakat Foundation (96.32/100 sur Charity Navigator) organise des campagnes pour venir en aide aux réfugiés et aux victimes de catastrophes dans le monde entier.

Rwanda: Paul Kagame, the friendly dictator who freed millions of Rwandan from poverty

I am against all forms of dictatorship. Beyond political and moral reasons, because my father was a victim of the tyranny of Sekou Toure. Myself, I almost ended up at Camp Boiro, for a simple identity check, the same day I arrived in Conakry to spend my vacation in 1964. I escaped only because, when the military was in the process of taking our names, my father and the then Minister of Planning, Barry III, arrived to extricate me from the clutches of torturers.

Furthermore Touré’s dictatorship has ruined foundations of the socio economic development of Guinea and torn the society to the point that the country is still unable to recover, 31 years after the bloodthirsty dictator’s death. Because of it, I lived for decades in exile, sans-papiers.

But, if I were Rwandan, I would have signed, like the almost 4 million signatories of petitions out of an electorate of some six million of my compatriots did within weeks, asking Parliament to amend Article 101 of the Constitution limiting to two the number of consecutive presidential terms. I would have applauded when Parliament unanimously gave on Tuesday, August 11, the green light to a reform of the Constitution in this regard.

In 1994, I saw Kigali few weeks after the end of the nightmare that was the genocide. I felt the smell of bodies rotting in the streets, I saw dogs fattened for eating human flesh, the images of visible bloodstains everywhere are still present in my memory. No public service was operational. That means no bank or hotel, or restaurant or post office, no police, nothing !!!

I was part of the first wave of UN officials to go to Kigali to prepare for the arrival of others. Although, we were MINUAR2 officials, my colleagues and I had to sleep on the floor, 4 in the same office, that of the head of the ICT Section, for several days. We used mineral water for the toilet, supplied by the Canadian military contingent, eat military rations from the French contingent. Indian and Australian soldiers were handling medical services.

Because of my duties as head of the General Services Section and Chairman of an internal UNAMIR investigations board, I visited the country extensively, by car and by helicopter, I saw the magnitude of the damage a fratricidal war had caused even in the most remote places.

For two decades after I left Rwanda, I have been unable to do a conference or a participate in a debate on my experience in post genocide Rwanda without breaking down in tears even before primary school children or in front of University professors.

I returned in 2012 to Kigali to see if the sight of the changes in the country since my departure could help to alleviate my suffering when speaking of this country. I found that where there were only ruins, there were achievements and construction sites of roads and buildings, parks and hotels for every pocket. The city had changed so much that I had difficulty to find the road to go to the residence that I have occupied for two and a half years.

In modern times, Rwanda has never lived a period of peace and stability as long as since President Paul Kagame came to power. During this period, the development has been spectacular. If he had to leave power, which guarantee do we have to find another leader who does better than him to maintain national harmony? We may not like what President Kagame does in the field of human rights, but the regime has demonstrated its ability to keep the country united, despite the heavy past.

Therefore, I would have loved to hate him, but he remains my favorite dictator and I would like to see a great leader like him as the head of all African states.

In the following article, I wrote for the fr.globalvoicesonline.org network, translated into 6 languages, I give my feelings about what I have found and is documented about Rwanda. The original title was: Rwanda: Serious cracks on the roll of honor of Paul Kagame.

It was translated by  Catherine Randall, a New York-based freelance translator from French, Spanish, and Russian to English, with the title:

Rwanda: The Good, the Bad and the Hopeful

-Paul Kagame, President of Rwanda at the World Economic Forum on Africa 2009 in Cape Town, South Africa- via wikipedia cc-license-2.0

Rwanda remains deeply scarred by the 1994 genocide of 800,000 to 1 million people, including 80 percent of the Tutsi population as well as many Hutus. Around one-sixth of the country’s total population was killed in a matter of weeks.

Twenty years later the process of reconciliation still has a long way to go. President Paul Kagame is accused of suppressing his opponents, among other serious human rights violations. But efforts to rebuild are beginning to yield results.

The Good News

One of Rwanda’s most remarkable achievements is the progress of gender equality in numerous areas. The percentage of women in the Rwandan parliament, at almost 64 percent, is the highest in the world, according to the Inter-Parliamentary Union’s 2014 ranking of 189 countries.

Louis Michel, a former minister in Belgium and European commissioner, noted on his personal blog [fr]:

These results are spectacular: In less than ten years, more than one million people have been lifted from extreme poverty and the country has seen a stable economic growth rate of 8 percent per year. Today more than 95 percent of children have access to a complete primary school education, infant mortality has been reduced by 61 percent, and three-quarters of the population have access to potable water. Finally, almost 50 percent of women have access to some means of contraception …. This makes Rwanda one of the very few African countries that will have almost entirely achieved its Millennium Development Goals in 2015.

The country’s first five-year plan for the development of new technologies [fr], created in 2001, showed significant progress. During the plan’s second phase, which ended in 2010, Rwanda saw a 8,900 percent increase in users, compared with 2,450 percent for the rest of the continent and a world average of 44 percent. The magazine African Renewal, hosted by the U.N., reports that four divisions of the public sector (ministers, agencies, provinces, and districts) and almost a third of the private sector have an online presence. Rwanda’s capital Kigali plays a primary role in the development of the surveillance system of navigation and aerial communications throughout the region.

President Kagame maintains that “the Internet is a needed public utility as much as water and electricity.” In collaboration with the Rwandan Telecentre Network (RTN), the government has implemented a plan for the development of Internet access in rural zones. A report [fr] published on balancingact-africa.com states:

Rwandan Telecentre Network (RTN) is rallying with the government’s efforts, pledging to create a national network of 1,000 ITC centers by the end of 2015 and to train local personnel.

A further sign of advancing access to new technologies is that Rwanda is the highest achiever among the African countries participating in the program One Laptop Per Child. According to the OLPC wiki page  :

 By the end of 2012, 210,000 laptops have been deployed to more than 217 schools across the country. In 2013: 210k = 110K (before 2012) +100k (2012) laptops [were distributed] in country

The Hopeful News

After the genocide, the country took legal action, creating a National Unity and Reconciliation Commission (NURC). The NURC, established in 1999, aims to contribute to good government; promote unity, reconciliation and social cohesion between Rwandans; and form a country where everyone has the same rights.

Susan Thomson, a professor of contemporary African politics at Hampshire College in the U.S., wrote in an article [fr] published on academic publication hub Cairn.info:

Under [the ruling] Rwandan Patriotic Front’s rule, the post-genocide state has made a large contribution to restoring peace, unity and reconciliation throughout the country. The Rwandan state structure, solid and centralized, has facilitated a rapid reconstruction. Unlike most other African states, Rwanda is capable of exercising territorial control with great effectiveness. The state institutions have been restored.

The Rwanda Peace Academy (RPA) is an example of those advances. Created in 2009 with the financial backing of Japan and the United Nations Development Program, the RPA has a mission is to carry out research and to develop and implement professional training courses and internationally recognized educational programs. Its goal is to provide the army, police and civil servants with the necessary skills to respond to current challenges and future peace and security issues in Africa.

The Bad News

Unfortunately, this promising work is marred by the grave human rights violations reported by advocacy groups. Violations have been occurring for years. In 2012, after having sent several missions to the country, Amnesty International condemned the violations:

Between March 2010 and June 2012, Amnesty International documented 45 cases of unlawful detention and 18 allegations of torture or ill-treatment at Camp Kami, Mukamira military camp, and in safe houses in the capital, Kigali. The men were detained by J2 for periods ranging from 10 days to nine months without access to lawyers, doctors and family members.

Assassinations of opposition members [fr] have also been reported outside the country. Journalists and former political leaders close to the Rwandan president have been arrested or killed [fr]. The most recent arrests were confirmed at the beginning of April 2014.

Singer and activist Kizito Mihigo - Public Domain

The site arretsurimages.net [fr] reported the arrest of famous singer Kizito Mihigo, a genocide survivor, and three other individuals, including a journalist accused of plotting a grenade attack on a building in Kigali. Kizito Mihigo, however, is known for his activism for peace. He even founded an NGO for peace education. His blog [fr] reads:

Since 2003, he has been working for forgiveness, reconciliation and unity in the Rwandan diaspora in Europe. Upon his return to Rwanda in 2010, he founded the KMP Foundation (Kizito Mihigo for Peace), a Rwandan NGO that uses art (music, theater, poetry…) in education focused on peace, reconciliation and non-violence after the genocide.

The singer pleaded guilty, but serious doubts [fr] were raised about many aspects of the case.

Furthermore, for the past several years Kigali has had tense diplomatic relations [fr] with several other countries. Once a country favored by the West, Rwanda is now becoming a no-go area and is losing its military [fr] and development aid. Diplomatic relations with South Africa are strained following assassinations of opposition members in that country. There have already been expulsions of diplomats [fr] on both sides.

Rwanda: Paul Kagame, le leader que j’aurais aimé haïr, mais aussi voir à la tête de tous les pays africains

Je suis contre toutes les formes de dictature. Au-dela des raisons politiques et morales, je le suis car mon père a été victime de la tyrannie de Sékou Touré . Moi-meme, j’ai failli finir au Camp Boiro, pour un simple contrôle d’identité, le jour même de mon arrivée à Conakry pour y passer mes vacances.

C’est lorsque les militaires étaient entrain de prendre nos noms que mon père et Barry III sont arrivés pour m’extirpé des griffes des tortionnaires.

En outre la dictature a ruiné les bases memes du développement socio économique de la Guinée et déchiré le tissu social au point que le pays n’arrive toujours pas à s’en relever, 31 ans après la mort du sanguinaire dictateur. A cause d’elle, j’ai vécu des décennies en exil, sans papier.

President Kagame meets with Alpha Oumar Konare, former President of Mali and African Union High Representative to South Sudan- Kigali, 24 August 2015

Mais, si j’étais rwandais, j’aurais fait comme ces près de 4 millions sur un corps électoral de quelque 6 millions de mes compatriotes qui ont signé en quelques semaines, des pétitions demandant au Parlement de modifier l’article 101 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. J’aurais applaudi, lorsque le Parlement à l’unanimité a donné, le mardi 11 août dernier, son feu vert pour une réforme de la Constitution dans ce sens.

J’ai vu Kigali quelques semaines après la fin de ce cauchemar que fut le génocide. J’ai senti l’odeur des corps en putréfaction dans les rues, j’ai vu les chiens engraissés pour avoir mangé de la chair humaine, les images des taches de sang visibles partout sont encore présentes dans ma mémoire. Aucun service n’était opérationnel. Cela veut dire ni banque, ni hôtel, ni restaurant, ni poste, ni police: rien!!!

J’ai fait partie de la première vague de fonctionnaires à aller à Kigali pour préparer l’arrivée des autres. Bien qu’étant fonctionnaires de la MINUAR2, mes collègues et moi, nous étions obligés de dormir à même le sol et à 4 dans le même bureau, celui du chef de la Section des NTIC, pendant plusieurs jours. Nous faisions la toilette avec de l’eau minérale, fournie par le contingent canadien, nous mangions des rations militaires du contingent militaire français. Ce sont les militaires indiens et australiens qui nous soignaient.

De par mes fonctions de chef de la section des services généraux et de président du bureau interne d’enquêtes de la MINUAR2, j’ai visité le pays en long et en large, par voiture et par hélicoptère, j’ai vu l’entité des dégâts qu’une guerre fratricide avait provoqués meme dans les endroits les plus reculés.

Pendant deux décennies, après avoir quitté le Rwanda, je n’ai jamais pu faire une conférence ou animé un débat sur mon expérience sans éclater en sanglots, même devant des enfants des écoles primaires ou devant des professeurs d’université.

J’y suis retourné en 2012 pour voir si la vue de ce qu’était devenu le pays depuis mon départ. Là où il n’y avait que ruines, il y avait des réalisations et des chantiers de construction de routes et de bâtiments, des parcs et des hôtels pour toutes les poches. La ville avait tellement changé que j’ai eu des difficultés à reconnaitre la route pour aller à la résidence que j’ai occupée pendant 2 ans et demi.

Dans les temps modernes, le Rwanda n’a jamais vécu une période de paix et de stabilité aussi longue que depuis que le Président Paul Kagame est arrivé au pouvoir. Durant cette période, le développement a été spectaculaire. S’il quittait le pouvoir, a-t-on l’assurance de trouver un autre dirigeant qui fasse mieux que lui pour maintenir la concorde nationale? On peut ne pas aimer ce que fait le Président Kagame en matière des droits humains, mais son régime a démontré sa capacité à maintenir le pays uni, malgré le lourd passé. C’est pourquoi, j’aurais aimé le détester, mais il reste mon dictateur favori et que je souhaiterais voir à la tête de nombreux états africains.

Dans cet article que ,’ai écrit sur le réseau fr.globalvoicesonline.org, traduit en 6 langues, je vous livre mes sentiments sur ce que j’ai constaté d’une manière documentée à propos du Rwanda. Le titre original était: Rwanda: De sérieuses fissures sur le tableau d’honneur de Paul Kagame.

Colloque sur la prévention du recrutement d'enfants soldats par la RPA – domaine public
Colloque sur la prévention du recrutement d’enfants soldats par la RPA – domaine public

On ne peut pas effacer d’un trait les atrocités et autres tueries entre voisins, aboutissant à l’extermination de 800 000 à 1 000 000 de personnes soit environ 80 pour cent des Tutsis et de nombreux Hutus, (environ un sixième de la population totale du pays) en quelques semaines.

Vingt ans après, le processus de réconciliation a encore un long chemin à faire.  Pourtant, la volonté politique affichée par le gouvernement commence à donner des fruits. Sur le plan juridique le pays s’est doté d’une Commission nationale pour l’unité et la réconciliation. Créée en 2001, elle avait pour but de promouvoir l’unité, la réconciliation et la cohésion sociale entre les Rwandais et de construire un pays où tout le monde a les mêmes droits et contribuer à la bonne gouvernance.
Susan Thomson, professeur de politique africaine contemporaine aux Five Colleges (Hampshire College, Amherst, États-Unis d’Amérique), écrit dans un article publié sur le site du Cairn :

Sous la férule du RPF, l’État postgénocide a largement contribué à restaurer la paix, l’unité et la réconciliation aux quatre coins du pays. L’appareil d’État rwandais, solide et centralisé, a facilité une reconstruction rapide. À la différence de la plupart des autres États africains, le Rwanda est capable d’exercer son contrôle territorial avec une efficacité extrême. Les institutions de l’État ont été restaurées.

La Rwanda Peace Academy (RPA) a aussi été créée en 2009 avec l’appui du Japon et du Programme des Nations unies pour le développement. Son mandat est de: effectuer des recherches, développer et offrir des cours de formation professionnelle et des programmes éducatifs internationalement reconnus afin de doter l’armée, la police et le personnel civil des compétences nécessaires pour répondre aux défis actuels et futurs complexes de paix et de sécurité en Afrique.

Une des réalisations les plus remarquables du Rwanda a été la promotion de l’égalité des sexes dans de nombreux domaines. Le pourcentage de femmes au parlement rwandais est le plus élevé au monde, avec près de 64 pour cent, d’après le classement établi par l’Organisation internationale des parlements, à la date du 1er février 2014, sur 189 pays.

Louis Michel, ancien ministre belge et commissaire européen, note sur son blog personnel :

Ces résultats sont spectaculaires : en moins de dix ans plus d’un million de personnes ont été sorties de la pauvreté extrême et le pays a enregistré un taux de croissance économique stable de 8% par an. Plus de 95% des enfants ont aujourd’hui accès à un cycle complet d’éducation primaire, la mortalité infantile a été réduite de 61% tandis que les trois quart de la population ont accès à l’eau potable. Enfin, près de 50% des femmes ont accès à un moyen de contraception, ….. Cela fait du Rwanda l’un des très rares pays d’Afrique qui pourra affirmer avoir atteint la quasi-totalité des OMD en 2015.

Commencé en 2001,  le premier plan quinquennal pour le développement des nouvelles technologies a permis de réaliser des progrès significatifs. Au cours de la deuxième phase de ce plan, qui s’est achevé en 2010, le Rwanda a enregistré une croissance du nombre d’utilisateurs de 8 900%, contre 2 450% pour le reste du continent et 444% de moyenne mondiale. Le site africarenewal/fr fait savoir également que quatre divisions du secteur public (ministères, agences, provinces et districts) et près d’un tiers du secteur privé étaient présents sur le Web. Kigali joue, en outre un rôle de premier plan dans la gestion du système de surveillance de la navigation et des télécommunications aérienne dans toute la région.

Partant du principe cher au Président rwandais Paul Kagame selon lequel “Internet est un service d’utilité publique au même titre que l’eau et l’électricité”, en collaboration avec Rwandan Telecentre Network (RTN), le gouvernement a mis au point un plan pour le développement d’Internet dans les zones rurales. Un billet publié sur balancingact-africa.com relève que:

Rwandan Telecentre Network (RTN) s’est rallié aux efforts du gouvernement et s’est engagé à créer un réseau national de 1 000 centres TIC d’ici la fin de 2015 et à former du personnel local.

Toujours dans le domaine de l’accès aux nouvelles technologies, parmi les pays africains participant au programme One Laptop per Child (un portable par enfant), le Rwanda est le plus avancé dans sa réalisation: Selon des informations de Wikipedia mises à jour le 28 avril 2014:

En 2013, 400.000 ordinateurs portables XO-XS ont été distribués.

Les violations des droits humains au Rwanda 

Malheureusement, ce beau travail est gâché par de graves violations des droits humains qui sont rapportées par les organisations militantes. C’est une pratique initiée depuis quelques années. Déjà, en 2012, après avoir envoyé plusieurs missions dans ce pays, Amnesty International dénonçait:

Entre mars 2010 et juin 2012, Amnesty International a rassemblé des informations sur 45 cas de détention illégale et 18 allégations de torture ou d’autres mauvais traitements à Camp Kami, dans le camp militaire de Mukamira et dans des lieux de détention clandestins situés dans la capitale, Kigali. Ces hommes ont été détenus par le J2 durant des périodes allant de 10 jours à neuf mois sans avoir eu accès à des avocats, à des médecins ou à leurs proches.

Des cas d’assassinats d’opposants sont signalés même en dehors du pays.   Des journalistes ou d’anciens dirigeants politiques, qui ont été proches du président rwandais ont été arrêtés ou bien assassinés. Les dernières arrestations se sont vérifiées au début du mois d’avril 2014. Le site arretsurimages.net signale l’arrestation du célèbre chanteur Kizito Mihigo, lui-meme rescapé du génocide rwandais, et trois autres personnes, dont un journaliste, avec l’accusation d’avoir préparé un attentat à la grenade contre un immeuble de Kigali.Pourtant, Kizito Mihigo est connu pour son engagement en faveur de la paix. Il a même fondé une ONG pour l’éducation à la paix. On peut lire sur son blog Kizitomihigo :

Depuis l’année 2003, il a œuvré pour le pardon, la réconciliation et l’unité dans la diaspora rwandaise en Europe. En 2010 quand il est rentré au Rwanda, il a Fondé la Fondation KMP (Kizito Mihigo pour la Paix), une ONG rwandaise qui utilise l’art (musique, theatre poesie, ..) dans l’éducation à la Paix, à la Réconciliation et à la Non-violence après le génocide.

Le chanteur a plaidé coupable, mais de sérieux doutes sont soulevés de toute part sur plusieurs aspects de cette affaire.

D’autre part depuis quelques années les relations diplomatiques de Kigali avec plusieurs pays sont tendues. De pays choyé par l’occident, le Rwanda est entrain de devenir infréquentable et les suppressions de l’aide militaire et au développement se multiplient. Les relations diplomatiques sont tendues avec l’Afrique du Sud, suite aux assassinats d’opposants dans ce pays. Déjà, il y a eu des expulsions de diplomates des deux cotés.