Crise des réfugiés: Comment chacun de nous peut porter secours aux réfugiés syriens (et les autres)?

Ce billet a été publié en anglais sur le blog de Jillian C.York. Jillian, représentante des bénévoles au sein du Conseil d’administration de Global Voices. Mon amie Jillian est directrice internationale pour la liberté d’expression de  Electronic Frontier Foundation (EFF). Elle écrit pour plusieurs plateformes dont Al Jazeera English et The Guardian

Son article a été traduit en français par Claire Ulrich, responsable du site Global Voices en français et y fournit ses services depuis le 2 mars 2007. Elle a 2467 contributions à son actif, sans compter la formation des blogueurs francophones à la méthode de travail de GV et la révision des milliers de billets qu’ils ont traduits.

C’est elle qui m’a mis les pieds à l’étrier en matière de blogging et soutenu pendant les moments de découragement.    

Titre original: Comment aider les réfugiés syriens (et les autres)

Une famille de réfugiés afghans quittent la gare de Keleti à Budapest en Hongrie. Page Facebook Budapest Seen.
Une famille de réfugiés afghans quittent la gare de Keleti à Budapest en Hongrie. Page Facebook Budapest Seen.

La crise des réfugiés en Europe provoque beaucoup de demandes sur les associations auxquelles donner et sur comment aider les réfugiés syriens et d’autres nationalités. Il existe de très nombreuses initiatives, en voici quelques unes que je recommande personnellement (Ndlt : Europe, Liban, USA).

  • Refugees Welcome: Le site est principalement rédigé en allemand, mais vous pouvez faire un don ou contribuer au loyer mensuel d’un réfugié ici. Les résidents en Allemagne peuvent aussi agir comme bénévoles, ou offrir un hébergement chez eux si cela leur est possible.
  • Migration Aid: cette association philantropique aide les réfugiés qui arrivent en Hongrie et accepte les dons en liquide et les dons en nature.
  • Le Migrant Offshore Aid Station aide les réfugiés en mer. Je pense que cette initiative est valable mais il mieux vaut lire leur FAQ pour savoir ce qui se passe avec les réfugiés après les avoir secourus en mer.
  • L’organisation britannique Refugee Action offre différents services aux réfugiés qui ont atteint la Grande Bretagne.
  • UOSSM Canada fait appel aux dons et aux volontaires dans sa province canadienne, l’Ontario.
  • Ceux qui se trouvent à Budapest en Hongrie peuvent devenir bénévoles de The Secret Kitchen, qui prépare des repas pour les réfugiés en Hongrie.

Il y a deux ans, j’avais publié un post sur comment aider les réfugiés syriens. Je recommande toujours les organisations citées à l’époque mais j’ai décidé d’y ajouter des organisations plus récentes. Certaines sont à nouveau cité dans le post le plus récent. Je remercie chaudement Lina Sergie Attar et Sima Diab pour leur aide.

Comme spécifié lors de la première publication, j’ai souligné les organisations qui bénéficient d’un abattement fiscal aux Etats Unis et qui ont des notes élevées dans les classements américains GuideStar et Charity Navigator, avec quelques exceptions notoires.

L’ordre des suggestions ci dessous n’est pas un ordre qualitatif.

  • Save the Children est une association internationale très réputée (notée 95.01/100 sur le Charity Navigator) et éligible à une déduction fiscale aux USA. Elle gère actuellement le fonds Syrian children in crisis. Leur programme est unique, dans le sens où l’organisation travaille à créer des espaces “child-friendly”, des endroits sûrs où les enfants peuvent jouer et être assistés, qui leur permettent d’oublier la réalité difficile qu’ils affrontent. C’est important, dans le sens où le soutien psychologique durant ce type de crise est aussi vital que les soins médicaux et autres.  Guidestar donne aussi une excellente note à Save the Children.
  • La Syrian American Medical Society Foundation a reçu une étoile d’argent de Guidestar. Elle n’est pas encore notée par le Charity Navigator (qui exige sept déclarations d’impôts successives). L’organisation gère des programmes locaux au Liban et dans le sud de la Syrie. Leur rapport annuel stipule que 1% des dons ont été utilisés pour les frais de gestion en 2013.
  • Basmeh & Zeitooneh ne figure pas dans les guides américains des ONG car elle n’a pas d’existence juridique aux Etats Unis mais des amis syriens et libanais m’en ont dit beaucoup de bien. Le groupe de soutien, qui est basé au Liban, travaille principalement avec les réfugiés syriens au Liban Elle propose du soutien psychologique, des vêtements, des vivres, et autres besoins. Vous pouvez faire un don ici. Le groupe anime aussi un atelier pour les femmes.
  • L’ International Rescue Committee est une agence humanitaire très réputée (95.36/100 sur le Charity Navigator) dont l’efficacité dans l’utilisation des fonds est remarquable. (93% des fonds pour les programmes,seulement 3% pour les campagnes de collectes de dons). Vous ne pouvez pas demander que votre don  aille spécifiquement aux réfugiés syriens, mais l’organisation fait du très bon travail tant en Syrie qu’ailleurs. Et si vous êtes à court de fonds, l’IRC propose une ‘boite à outils” pour lever des fonds pour des causes données. L’IRS n’a pas d’affiliation religieuse et est indépendante du gouvernement.
  • La Middle East Children’s Alliance est une association à but non lucratif qui travaille localement et à l’international. Elle conduit actuellement une campagne pour procurer des aides de première urgence aux réfugiés syriens qui vivent au Liban.  Notée  70.79/100 par le Charity Navigator, en raison de coûts élevés de levées de fonds, et de sa localisation dans la Bay Area de San Francisco. Les données financières sur  Guidestar datent un peu.
  • Relief and Reconciliation est une organisation caritative qui gère un Centre de la paix au nord du Liban pour aider “les personnes de toute confession…à sortir de la violence et à trouver un meilleur futur.” Leur page “A propos” fait état de références impressionnantes !
  • Islamic Relief– est une organisation caritative musulmane et travaille à aider les Syriens réfugiés au Liban, par des distributions de nourriture, de vêtements et de médicaments.  Comme avec l’IRC, il n’est pas possible de diriger spécifiquement votre don pour la Syrie, mais vous pouvez donner à leur fonds d’urgence.   IR propose aussi  d’organiser des levées de fonds locales. NB pour les musulmans : propose des guidelines pour faire l’aumône avec des cartes bancaires.
  • Syrianorphans.org est une petite organisation qui n’est pas encore listée par GuideStar, mais assure qu’elle n’utilise aucun des fonds donnés pour ses dépenses de promotion et que tous les dons sont utilisés exclusivement pour venir en aide aux Syriens.
  • L’organisation caritative musulmane Zakat Foundation (96.32/100 sur Charity Navigator) organise des campagnes pour venir en aide aux réfugiés et aux victimes de catastrophes dans le monde entier.

Rwanda: Paul Kagame, the friendly dictator who freed millions of Rwandan from poverty

I am against all forms of dictatorship. Beyond political and moral reasons, because my father was a victim of the tyranny of Sekou Toure. Myself, I almost ended up at Camp Boiro, for a simple identity check, the same day I arrived in Conakry to spend my vacation in 1964. I escaped only because, when the military was in the process of taking our names, my father and the then Minister of Planning, Barry III, arrived to extricate me from the clutches of torturers.

Furthermore Touré’s dictatorship has ruined foundations of the socio economic development of Guinea and torn the society to the point that the country is still unable to recover, 31 years after the bloodthirsty dictator’s death. Because of it, I lived for decades in exile, sans-papiers.

But, if I were Rwandan, I would have signed, like the almost 4 million signatories of petitions out of an electorate of some six million of my compatriots did within weeks, asking Parliament to amend Article 101 of the Constitution limiting to two the number of consecutive presidential terms. I would have applauded when Parliament unanimously gave on Tuesday, August 11, the green light to a reform of the Constitution in this regard.

In 1994, I saw Kigali few weeks after the end of the nightmare that was the genocide. I felt the smell of bodies rotting in the streets, I saw dogs fattened for eating human flesh, the images of visible bloodstains everywhere are still present in my memory. No public service was operational. That means no bank or hotel, or restaurant or post office, no police, nothing !!!

I was part of the first wave of UN officials to go to Kigali to prepare for the arrival of others. Although, we were MINUAR2 officials, my colleagues and I had to sleep on the floor, 4 in the same office, that of the head of the ICT Section, for several days. We used mineral water for the toilet, supplied by the Canadian military contingent, eat military rations from the French contingent. Indian and Australian soldiers were handling medical services.

Because of my duties as head of the General Services Section and Chairman of an internal UNAMIR investigations board, I visited the country extensively, by car and by helicopter, I saw the magnitude of the damage a fratricidal war had caused even in the most remote places.

For two decades after I left Rwanda, I have been unable to do a conference or a participate in a debate on my experience in post genocide Rwanda without breaking down in tears even before primary school children or in front of University professors.

I returned in 2012 to Kigali to see if the sight of the changes in the country since my departure could help to alleviate my suffering when speaking of this country. I found that where there were only ruins, there were achievements and construction sites of roads and buildings, parks and hotels for every pocket. The city had changed so much that I had difficulty to find the road to go to the residence that I have occupied for two and a half years.

In modern times, Rwanda has never lived a period of peace and stability as long as since President Paul Kagame came to power. During this period, the development has been spectacular. If he had to leave power, which guarantee do we have to find another leader who does better than him to maintain national harmony? We may not like what President Kagame does in the field of human rights, but the regime has demonstrated its ability to keep the country united, despite the heavy past.

Therefore, I would have loved to hate him, but he remains my favorite dictator and I would like to see a great leader like him as the head of all African states.

In the following article, I wrote for the fr.globalvoicesonline.org network, translated into 6 languages, I give my feelings about what I have found and is documented about Rwanda. The original title was: Rwanda: Serious cracks on the roll of honor of Paul Kagame.

It was translated by  Catherine Randall, a New York-based freelance translator from French, Spanish, and Russian to English, with the title:

Rwanda: The Good, the Bad and the Hopeful

-Paul Kagame, President of Rwanda at the World Economic Forum on Africa 2009 in Cape Town, South Africa- via wikipedia cc-license-2.0

Rwanda remains deeply scarred by the 1994 genocide of 800,000 to 1 million people, including 80 percent of the Tutsi population as well as many Hutus. Around one-sixth of the country’s total population was killed in a matter of weeks.

Twenty years later the process of reconciliation still has a long way to go. President Paul Kagame is accused of suppressing his opponents, among other serious human rights violations. But efforts to rebuild are beginning to yield results.

The Good News

One of Rwanda’s most remarkable achievements is the progress of gender equality in numerous areas. The percentage of women in the Rwandan parliament, at almost 64 percent, is the highest in the world, according to the Inter-Parliamentary Union’s 2014 ranking of 189 countries.

Louis Michel, a former minister in Belgium and European commissioner, noted on his personal blog [fr]:

These results are spectacular: In less than ten years, more than one million people have been lifted from extreme poverty and the country has seen a stable economic growth rate of 8 percent per year. Today more than 95 percent of children have access to a complete primary school education, infant mortality has been reduced by 61 percent, and three-quarters of the population have access to potable water. Finally, almost 50 percent of women have access to some means of contraception …. This makes Rwanda one of the very few African countries that will have almost entirely achieved its Millennium Development Goals in 2015.

The country’s first five-year plan for the development of new technologies [fr], created in 2001, showed significant progress. During the plan’s second phase, which ended in 2010, Rwanda saw a 8,900 percent increase in users, compared with 2,450 percent for the rest of the continent and a world average of 44 percent. The magazine African Renewal, hosted by the U.N., reports that four divisions of the public sector (ministers, agencies, provinces, and districts) and almost a third of the private sector have an online presence. Rwanda’s capital Kigali plays a primary role in the development of the surveillance system of navigation and aerial communications throughout the region.

President Kagame maintains that “the Internet is a needed public utility as much as water and electricity.” In collaboration with the Rwandan Telecentre Network (RTN), the government has implemented a plan for the development of Internet access in rural zones. A report [fr] published on balancingact-africa.com states:

Rwandan Telecentre Network (RTN) is rallying with the government’s efforts, pledging to create a national network of 1,000 ITC centers by the end of 2015 and to train local personnel.

A further sign of advancing access to new technologies is that Rwanda is the highest achiever among the African countries participating in the program One Laptop Per Child. According to the OLPC wiki page  :

 By the end of 2012, 210,000 laptops have been deployed to more than 217 schools across the country. In 2013: 210k = 110K (before 2012) +100k (2012) laptops [were distributed] in country

The Hopeful News

After the genocide, the country took legal action, creating a National Unity and Reconciliation Commission (NURC). The NURC, established in 1999, aims to contribute to good government; promote unity, reconciliation and social cohesion between Rwandans; and form a country where everyone has the same rights.

Susan Thomson, a professor of contemporary African politics at Hampshire College in the U.S., wrote in an article [fr] published on academic publication hub Cairn.info:

Under [the ruling] Rwandan Patriotic Front’s rule, the post-genocide state has made a large contribution to restoring peace, unity and reconciliation throughout the country. The Rwandan state structure, solid and centralized, has facilitated a rapid reconstruction. Unlike most other African states, Rwanda is capable of exercising territorial control with great effectiveness. The state institutions have been restored.

The Rwanda Peace Academy (RPA) is an example of those advances. Created in 2009 with the financial backing of Japan and the United Nations Development Program, the RPA has a mission is to carry out research and to develop and implement professional training courses and internationally recognized educational programs. Its goal is to provide the army, police and civil servants with the necessary skills to respond to current challenges and future peace and security issues in Africa.

The Bad News

Unfortunately, this promising work is marred by the grave human rights violations reported by advocacy groups. Violations have been occurring for years. In 2012, after having sent several missions to the country, Amnesty International condemned the violations:

Between March 2010 and June 2012, Amnesty International documented 45 cases of unlawful detention and 18 allegations of torture or ill-treatment at Camp Kami, Mukamira military camp, and in safe houses in the capital, Kigali. The men were detained by J2 for periods ranging from 10 days to nine months without access to lawyers, doctors and family members.

Assassinations of opposition members [fr] have also been reported outside the country. Journalists and former political leaders close to the Rwandan president have been arrested or killed [fr]. The most recent arrests were confirmed at the beginning of April 2014.

Singer and activist Kizito Mihigo - Public Domain

The site arretsurimages.net [fr] reported the arrest of famous singer Kizito Mihigo, a genocide survivor, and three other individuals, including a journalist accused of plotting a grenade attack on a building in Kigali. Kizito Mihigo, however, is known for his activism for peace. He even founded an NGO for peace education. His blog [fr] reads:

Since 2003, he has been working for forgiveness, reconciliation and unity in the Rwandan diaspora in Europe. Upon his return to Rwanda in 2010, he founded the KMP Foundation (Kizito Mihigo for Peace), a Rwandan NGO that uses art (music, theater, poetry…) in education focused on peace, reconciliation and non-violence after the genocide.

The singer pleaded guilty, but serious doubts [fr] were raised about many aspects of the case.

Furthermore, for the past several years Kigali has had tense diplomatic relations [fr] with several other countries. Once a country favored by the West, Rwanda is now becoming a no-go area and is losing its military [fr] and development aid. Diplomatic relations with South Africa are strained following assassinations of opposition members in that country. There have already been expulsions of diplomats [fr] on both sides.

En Guinée, les blogueurs veulent changer la manière de faire la politique

konakryexpress.org

CARLOS BAJO ERRO est un journaliste qui traite de l’Afrique, en particulier des questions relatives à l’évolution des nouvelles technologies en Afrique pour le quotidien espagnol elpais.com. Ce quotidien espagnol est l’un des journaux ayant la plus grande diffusion d’Europe, avec environ 2 000 000 de lecteurs par jour. Son tirage est supérieur à tous les journaux français.

Javier Moreno, son ancien directeur de la rédaction de 2006 à 2014, dirige le projet Leading European Newspaper Alliance (LENA), une alliance de 7 des principaux quotidiens européens: Die Welten (Allemagne), La Repubblica (Italie), Le Figaro (France), Le Soir (Belgique), Tages-Anzeiger et La Tribune de Genève (Suisse). 

Le journaliste CARLOS BAJO ERRO a interviewé Fodé Kouyaté Sanikayi, Président de l’Association des blogueurs de Guinée (ablogui).

Voici ma traduction en français de l’article paru en espagnol le 20 aout 2015 sous le titre « En Guinea, los blogueros quieren cambiar la política ».

Espérons que l’interview de Kouyah Kouyate incitera d’autres médias internationaux à s’intéresser à nous.

L’association de blogueurs Guinée Conakry, Ablogui veut changer la manière de faire la politique. Les activistes poussent les candidats à modifier leur messages

Il y a quatre ans, les blogueurs actifs en Guinée Conakry se comptaient sur les doigts d’une seule main. Aujourd’hui, 80 d’entre eux font partie de la plate-forme Ablogui, l’association des blogueurs du pays. En outre, non seulement ils se sont regroupés, mais aussi ils se sont fixés un objectif fondamental: participer aux élections présidentielles prévues pour Octobre. Ils veulent que leur participation soit en lettres majuscules. Pas en faveur d’un candidat ou l’autre, mais en réformant le discours politique, poussant les candidats à mettre de côté les mots qui réveillent des sentiments moins rationnels en les forçant à parler de leurs programmes.

Fodé Kouyaté Sanikayi est un habitué de l’univers numérique en Afrique de l’Ouest. Connecté avec des utilisateurs de Twitter et les blogueurs d’autres pays, il est fréquent de voir ce guinéen participer à des campagnes et à des initiatives qui se passent sur les réseaux à l’ouest du continent. Il est le président de Ablogui et l’un des initiateurs les plus convaincus du projet GuineeVote, qui est sur ​​le point de lancer officiellement la première phase de sa stratégie, selon les informations des promoteurs de la plate-forme. Les principaux objectifs de cette initiative sont de surveiller le déroulement de l’élection présidentielle qui, à moins de changements de la dernière minute, devrait avoir lieu en Octobre; collaborer pour que ces élections soient transparentes et oeuvrer, pendant la campagne, pour que le discours politique soit axé sur les mesures que chaque candidat propose plutôt que sur des questions sentimentales comme l’origine ethnique.

Selon le président d’Ablogui, l’initiative @GuineeVote aspire à être « une plate-forme participative pour une surveillance citoyenne des élections, qui ne se limitera pas seulement au vote, mais continuera  après pour vérifier que les engagements soient tenus ».

« Nous sommes habitués à des discours politiques subjectifs », explique Kouyaté, « loin d’être les préoccupations des citoyens. En fin de compte, on ne vote pas des programmes, mais plutôt des personnes. Les partis ont été incapables de faire une divulgation adéquate de leurs programmes, ils ne savent pas mobiliser les citoyens autour de leurs objectifs de sorte qu’il est plus facile de jouer la carte du communautarisme, celle de l’appartenance ethnique. Voilà les raisons de notre l’initiative de changer le discours politique. Des discours simplistes et bon marché qui font appel aux différences ethniques, en aggravant les antagonismes, qui conduisent souvent aux tensions et même à la violence, nous voulons une comparaison des contenus des programmes proposés, forçant les politiciens à être plus constructifs en essayant de convaincre leurs électeurs dans l’exercice cohérent du pouvoir.

Les partisans de l’initiative ont essayé d’entrer en contact avec les partis politiques au cours des dernières semaines, bien que les candidatures ne soient pas encore définitivement validées. La plateforme GuineeVote accueillera les programmes de tous les candidats et utilisera l’application voxe.org pour les comparer, une application qui a été utilisée dans d’autres élections en Europe et aux Etats-Unis, essentiellement. « Si un parti ne nous envoie pas son programme, son profil sera présenté mais sera vide, il paraitra ainsi comme n’ayant pas de programme. Ce sont eux qui ont intérêt à voir si ça les intéresse », dit Kouyaté.

Les réseaux sociaux peuvent également présenter des risques
Le président de l'association des blogueurs de Guinée Conakry, Fodé Kouyaté Sanikayi.
Le président de l’association des blogueurs de Guinée Conakry, Fodé Kouyaté Sanikayi.

Les blogueurs ont assumé cette responsabilité pour prévenir les tensions sociales que peuvent générer des élections présidentielles. « La question ethnique est présente en Guinée », a déclaré le représentant de Ablogui, « c’est indéniable. En outre, les médias contribuent souvent à cette tension. Discuter des programmes est une façon de réduire les tensions, de calmer les âmes. «  Fodé Kouyaté Sanikayi explique que cette prise de responsabilité est également une nécessité: « Lors des élections de 2010, beaucoup d’informations avaient été répandues dans le but de créer une tension, de conduire à la confrontation et à éviter d’autres débats. Malheureusement, il n’y avait pas suffisamment d’accès à Internet, à cette époque. Mais maintenant, il y a une éclosion de son utilisation et nous ne pouvons pas risquer que de telles informations soient répandues sans réactions pour les démentir ».

Dans la perspective de la présidentielle, les cyber-activistes ont décidé de faire le contrepoids aux médias traditionnels à travers l’usage des blogs, des réseaux sociaux et leurs propres plate-formes. « Nous nous sommes engagés », a déclaré M. Kouyaté, « nous n’avons aucun intérêt partisan et comme citoyens nous sommes les premiers à être intéressés que les élections soient transparentes et pacifiques. Nous pouvons offrir la neutralité nécessaire « . Et pour cela les blogueurs comptent sur le facteur numérique, explique leur président: « Dans les médias traditionnels, il suffit de corrompre tout simplement le propriétaire pour que le média adopte une approche partisane. Dans notre cas, ils auraient à soudoyer des centaines, voire des milliers de personnes, mais évidemment cela est plus compliqué « .

Les élections pourraient être tendues

Interrogé sur le climat prévu des élections, Fodé Kouyaté Sanikayi répond fermement: « Il pourrait y avoir des tensions, parce que les politiciens sont intéressés à porter l’attention sur les questions qui créent cette tension, le communautarisme. En outre, certains observateurs soutiennent que la CENI (commission indépendante chargée d’organiser les élections) est techniquement très limitée. Et il y a une crise de confiance, aussi bien entre les hommes politiques que de la part des citoyens envers les responsables politiques ».

En plus de changer le discours dans le débat et le débat sur les programmes proposés par chaque candidat, Ablogui a un autre but: faire participer vraiment les citoyens dans ce processus. « Nous devons faire prendre conscience qu’on ne peut pas se laisser emporter par les discours ethniques, mais que les citoyens ont aussi à jouer un rôle de premier plan dans les élections. » Le président de l’organisation des blogueurs s’attend à ce que les citoyens participent à la surveillance des élections. « Mettre son bulletin dans l’urne n’est pas suffisant. Il faut attendre jusqu’à ce que le dépouillement finisse dans son bureau électoral et que des résultats cohérents avec ce qu’on a vu soient rendus publics. on saura ainsi que son vote a été entendu, sinon, on pourra dénoncer les irrégularités qui auront eu lieu « , dit Kouyaté, pour expliquer le rôle de ceux qu’ils appellent les e-Observateurs.

Des partisans du Rassemblement du peuple de Guinée le 11 août, 2015, à Conakry, lors de la convention nationale du parti dans lequel le Président de la Guinée Alpha Condé a été nominé pour les prochaines élections en octobre 2015. / CELLOU BINANI (AFP PHOTO)
Des partisans du Rassemblement du peuple de Guinée le 11 août, 2015, à Conakry, lors de la convention nationale du parti dans lequel le Président de la Guinée Alpha Condé a été nominé pour les prochaines élections en octobre 2015. / CELLOU BINANI (AFP PHOTO)

Dans les plans de l’association, ces e-Observateurs seront distribués dans les 33 préfectures du pays. « L’accès au numérique n’est pas le même à Conakry (la capitale) que dans les zones rurales, de sorte que nous devons donner des séances de formation aux citoyens intéressés », a déclaré M. Kouyaté. Bien que le président reconnaisse qu’à cet effet, il aura besoin de chercher des alliances et surtout une indépendance financière.

Les blogueurs guinéens s’inspirent des expériences antérieures pour cette initiative. Surtout, de l’utilisation des réseaux sociaux pendant les élections présidentielles sénégalaises en 2012, une communauté avec laquelle ils ont des liens étroits. Ils s’inspirent, comme le reconnait Kouyaté, de la plate-forme SUNU2012 que les blogueurs de ce pays avaient lancé à cette occasion, mais ils y ont ajouté de nouveaux outils qui n’étaient pas disponibles alors et ils ont « guinéanisé » l’expérience.

Ainsi, les objectifs de l’initiative sont d’encourager la discussion, assurer la transparence des élections et mobiliser, sensibiliser les citoyens au sujet de leur responsabilité. Pour ce faire, ils essaient d’agir pendant la campagne, mais aussi après la journée électorale et même pendant le décompte des voix, mettant les médias sociaux au service du public afin d’avoir des élections pacifiques, transparentes et participatives.