Rwanda: Paul Kagame, le leader que j’aurais aimé haïr, mais aussi voir à la tête de tous les pays africains

Je suis contre toutes les formes de dictature. Au-dela des raisons politiques et morales, je le suis car mon père a été victime de la tyrannie de Sékou Touré . Moi-meme, j’ai failli finir au Camp Boiro, pour un simple contrôle d’identité, le jour même de mon arrivée à Conakry pour y passer mes vacances.

C’est lorsque les militaires étaient entrain de prendre nos noms que mon père et Barry III sont arrivés pour m’extirpé des griffes des tortionnaires.

En outre la dictature a ruiné les bases memes du développement socio économique de la Guinée et déchiré le tissu social au point que le pays n’arrive toujours pas à s’en relever, 31 ans après la mort du sanguinaire dictateur. A cause d’elle, j’ai vécu des décennies en exil, sans papier.

President Kagame meets with Alpha Oumar Konare, former President of Mali and African Union High Representative to South Sudan- Kigali, 24 August 2015

Mais, si j’étais rwandais, j’aurais fait comme ces près de 4 millions sur un corps électoral de quelque 6 millions de mes compatriotes qui ont signé en quelques semaines, des pétitions demandant au Parlement de modifier l’article 101 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. J’aurais applaudi, lorsque le Parlement à l’unanimité a donné, le mardi 11 août dernier, son feu vert pour une réforme de la Constitution dans ce sens.

J’ai vu Kigali quelques semaines après la fin de ce cauchemar que fut le génocide. J’ai senti l’odeur des corps en putréfaction dans les rues, j’ai vu les chiens engraissés pour avoir mangé de la chair humaine, les images des taches de sang visibles partout sont encore présentes dans ma mémoire. Aucun service n’était opérationnel. Cela veut dire ni banque, ni hôtel, ni restaurant, ni poste, ni police: rien!!!

J’ai fait partie de la première vague de fonctionnaires à aller à Kigali pour préparer l’arrivée des autres. Bien qu’étant fonctionnaires de la MINUAR2, mes collègues et moi, nous étions obligés de dormir à même le sol et à 4 dans le même bureau, celui du chef de la Section des NTIC, pendant plusieurs jours. Nous faisions la toilette avec de l’eau minérale, fournie par le contingent canadien, nous mangions des rations militaires du contingent militaire français. Ce sont les militaires indiens et australiens qui nous soignaient.

De par mes fonctions de chef de la section des services généraux et de président du bureau interne d’enquêtes de la MINUAR2, j’ai visité le pays en long et en large, par voiture et par hélicoptère, j’ai vu l’entité des dégâts qu’une guerre fratricide avait provoqués meme dans les endroits les plus reculés.

Pendant deux décennies, après avoir quitté le Rwanda, je n’ai jamais pu faire une conférence ou animé un débat sur mon expérience sans éclater en sanglots, même devant des enfants des écoles primaires ou devant des professeurs d’université.

J’y suis retourné en 2012 pour voir si la vue de ce qu’était devenu le pays depuis mon départ. Là où il n’y avait que ruines, il y avait des réalisations et des chantiers de construction de routes et de bâtiments, des parcs et des hôtels pour toutes les poches. La ville avait tellement changé que j’ai eu des difficultés à reconnaitre la route pour aller à la résidence que j’ai occupée pendant 2 ans et demi.

Dans les temps modernes, le Rwanda n’a jamais vécu une période de paix et de stabilité aussi longue que depuis que le Président Paul Kagame est arrivé au pouvoir. Durant cette période, le développement a été spectaculaire. S’il quittait le pouvoir, a-t-on l’assurance de trouver un autre dirigeant qui fasse mieux que lui pour maintenir la concorde nationale? On peut ne pas aimer ce que fait le Président Kagame en matière des droits humains, mais son régime a démontré sa capacité à maintenir le pays uni, malgré le lourd passé. C’est pourquoi, j’aurais aimé le détester, mais il reste mon dictateur favori et que je souhaiterais voir à la tête de nombreux états africains.

Dans cet article que ,’ai écrit sur le réseau fr.globalvoicesonline.org, traduit en 6 langues, je vous livre mes sentiments sur ce que j’ai constaté d’une manière documentée à propos du Rwanda. Le titre original était: Rwanda: De sérieuses fissures sur le tableau d’honneur de Paul Kagame.

Colloque sur la prévention du recrutement d'enfants soldats par la RPA – domaine public
Colloque sur la prévention du recrutement d’enfants soldats par la RPA – domaine public

On ne peut pas effacer d’un trait les atrocités et autres tueries entre voisins, aboutissant à l’extermination de 800 000 à 1 000 000 de personnes soit environ 80 pour cent des Tutsis et de nombreux Hutus, (environ un sixième de la population totale du pays) en quelques semaines.

Vingt ans après, le processus de réconciliation a encore un long chemin à faire.  Pourtant, la volonté politique affichée par le gouvernement commence à donner des fruits. Sur le plan juridique le pays s’est doté d’une Commission nationale pour l’unité et la réconciliation. Créée en 2001, elle avait pour but de promouvoir l’unité, la réconciliation et la cohésion sociale entre les Rwandais et de construire un pays où tout le monde a les mêmes droits et contribuer à la bonne gouvernance.
Susan Thomson, professeur de politique africaine contemporaine aux Five Colleges (Hampshire College, Amherst, États-Unis d’Amérique), écrit dans un article publié sur le site du Cairn :

Sous la férule du RPF, l’État postgénocide a largement contribué à restaurer la paix, l’unité et la réconciliation aux quatre coins du pays. L’appareil d’État rwandais, solide et centralisé, a facilité une reconstruction rapide. À la différence de la plupart des autres États africains, le Rwanda est capable d’exercer son contrôle territorial avec une efficacité extrême. Les institutions de l’État ont été restaurées.

La Rwanda Peace Academy (RPA) a aussi été créée en 2009 avec l’appui du Japon et du Programme des Nations unies pour le développement. Son mandat est de: effectuer des recherches, développer et offrir des cours de formation professionnelle et des programmes éducatifs internationalement reconnus afin de doter l’armée, la police et le personnel civil des compétences nécessaires pour répondre aux défis actuels et futurs complexes de paix et de sécurité en Afrique.

Une des réalisations les plus remarquables du Rwanda a été la promotion de l’égalité des sexes dans de nombreux domaines. Le pourcentage de femmes au parlement rwandais est le plus élevé au monde, avec près de 64 pour cent, d’après le classement établi par l’Organisation internationale des parlements, à la date du 1er février 2014, sur 189 pays.

Louis Michel, ancien ministre belge et commissaire européen, note sur son blog personnel :

Ces résultats sont spectaculaires : en moins de dix ans plus d’un million de personnes ont été sorties de la pauvreté extrême et le pays a enregistré un taux de croissance économique stable de 8% par an. Plus de 95% des enfants ont aujourd’hui accès à un cycle complet d’éducation primaire, la mortalité infantile a été réduite de 61% tandis que les trois quart de la population ont accès à l’eau potable. Enfin, près de 50% des femmes ont accès à un moyen de contraception, ….. Cela fait du Rwanda l’un des très rares pays d’Afrique qui pourra affirmer avoir atteint la quasi-totalité des OMD en 2015.

Commencé en 2001,  le premier plan quinquennal pour le développement des nouvelles technologies a permis de réaliser des progrès significatifs. Au cours de la deuxième phase de ce plan, qui s’est achevé en 2010, le Rwanda a enregistré une croissance du nombre d’utilisateurs de 8 900%, contre 2 450% pour le reste du continent et 444% de moyenne mondiale. Le site africarenewal/fr fait savoir également que quatre divisions du secteur public (ministères, agences, provinces et districts) et près d’un tiers du secteur privé étaient présents sur le Web. Kigali joue, en outre un rôle de premier plan dans la gestion du système de surveillance de la navigation et des télécommunications aérienne dans toute la région.

Partant du principe cher au Président rwandais Paul Kagame selon lequel “Internet est un service d’utilité publique au même titre que l’eau et l’électricité”, en collaboration avec Rwandan Telecentre Network (RTN), le gouvernement a mis au point un plan pour le développement d’Internet dans les zones rurales. Un billet publié sur balancingact-africa.com relève que:

Rwandan Telecentre Network (RTN) s’est rallié aux efforts du gouvernement et s’est engagé à créer un réseau national de 1 000 centres TIC d’ici la fin de 2015 et à former du personnel local.

Toujours dans le domaine de l’accès aux nouvelles technologies, parmi les pays africains participant au programme One Laptop per Child (un portable par enfant), le Rwanda est le plus avancé dans sa réalisation: Selon des informations de Wikipedia mises à jour le 28 avril 2014:

En 2013, 400.000 ordinateurs portables XO-XS ont été distribués.

Les violations des droits humains au Rwanda 

Malheureusement, ce beau travail est gâché par de graves violations des droits humains qui sont rapportées par les organisations militantes. C’est une pratique initiée depuis quelques années. Déjà, en 2012, après avoir envoyé plusieurs missions dans ce pays, Amnesty International dénonçait:

Entre mars 2010 et juin 2012, Amnesty International a rassemblé des informations sur 45 cas de détention illégale et 18 allégations de torture ou d’autres mauvais traitements à Camp Kami, dans le camp militaire de Mukamira et dans des lieux de détention clandestins situés dans la capitale, Kigali. Ces hommes ont été détenus par le J2 durant des périodes allant de 10 jours à neuf mois sans avoir eu accès à des avocats, à des médecins ou à leurs proches.

Des cas d’assassinats d’opposants sont signalés même en dehors du pays.   Des journalistes ou d’anciens dirigeants politiques, qui ont été proches du président rwandais ont été arrêtés ou bien assassinés. Les dernières arrestations se sont vérifiées au début du mois d’avril 2014. Le site arretsurimages.net signale l’arrestation du célèbre chanteur Kizito Mihigo, lui-meme rescapé du génocide rwandais, et trois autres personnes, dont un journaliste, avec l’accusation d’avoir préparé un attentat à la grenade contre un immeuble de Kigali.Pourtant, Kizito Mihigo est connu pour son engagement en faveur de la paix. Il a même fondé une ONG pour l’éducation à la paix. On peut lire sur son blog Kizitomihigo :

Depuis l’année 2003, il a œuvré pour le pardon, la réconciliation et l’unité dans la diaspora rwandaise en Europe. En 2010 quand il est rentré au Rwanda, il a Fondé la Fondation KMP (Kizito Mihigo pour la Paix), une ONG rwandaise qui utilise l’art (musique, theatre poesie, ..) dans l’éducation à la Paix, à la Réconciliation et à la Non-violence après le génocide.

Le chanteur a plaidé coupable, mais de sérieux doutes sont soulevés de toute part sur plusieurs aspects de cette affaire.

D’autre part depuis quelques années les relations diplomatiques de Kigali avec plusieurs pays sont tendues. De pays choyé par l’occident, le Rwanda est entrain de devenir infréquentable et les suppressions de l’aide militaire et au développement se multiplient. Les relations diplomatiques sont tendues avec l’Afrique du Sud, suite aux assassinats d’opposants dans ce pays. Déjà, il y a eu des expulsions de diplomates des deux cotés.

Camp Boiro: Crimes révolutionnaires et sadisme de Sékou Touré

Le Mémorial virtuel du Camp Boiro a publié un article de Souleymane Diallo, fondateur et administrateur général de l’hebdomadaire de Conakry, Le Lynx, de la radio du même nom et du groupe de presse Guicomed qui publie aussi l’autre hebdomadaire La Lance. Originalement, cet article avait été publié sur son hebdomadaire, dans le No. 388 du 30 octobre 19999. Souleymane Diallo est un autre exemple de comment la Guinée n’a pas pu valoriser ses ressources humaines. En les tuant ou en forçant à s’exiler, elle s’est privée de leur apport dans l’édification d’une Guinée prospère.

Formé à l’université de Kankan, Souleymane Diallo dès sa sortie, a  travaillé comme journaliste au journal Horoya. Mais il s’est vite rendu compte qu’au lieu d’être au service d’une nation naissante, il contribuait à renforcer le culte de la personnalité d’un dictateur sans scrupules assoiffé du sang de ses compatriotes. Il a donc préféré s’exiler comme tant d’autres guinéens de son âge qui avaient tout abandonné pour se mettre au

Diallo Souleymane, Créateur et patron du Lynx. Source: faxdeguinee.com

service de leur pays. Au Nigeria, d’abord, ensuite à Séba en Libye où il devait enseigner l’anglais et le peul, il est allé en Cote-d’Ivoire, où il a travaillé comme responsable adjoint et auteur de la rubrique « Question de la semaine » du quotidien Fraternité matin.

Le Président Houphouet Boigny que tant d’africains, en particulier guinéens, détestaient a su utiliser les cerveaux qui fuyaient notre pays pour la construction de bases solides pour dépasser le stade dans lequel végétait la Guinée, fait de misère, de graves violations des droits humains et de destruction du tissu économique que les colons avaient commencé à mettre en place.

Cet article prouve pleinement que la révolution ne cherchait pas la vérité, mais plutôt à faire avouer aux victimes ce que le dictateur voulait car sa vérité à lui était celle qui avait la primauté sur le reste. Il pouvait donc faire de chaque citoyen un coupable des pires crimes. Dans d’autres cas il poussait le sadisme et la traîtrise jusqu’à prétendre qu’il ne savait rien des conditions de détention des victimes.

Voici l’article de Souleymne Diallo:

Les Guinéens ont souvent évoqué le nom du Camp Boiro sans vraiment pouvoir commencer à chercher ce qui s’y est réellement passé.

Le Camp Boiro, c’est certainement le principal outil de destruction massive que la Guinée a connu dans sa chaire la plus profonde. C’est lui qui a englouti la substance du passé et même celle du présent de ce pays meurtri. C’est la tombe du bonheur et de la prospérité de la Guinée pour des années encore.

Le héros devenu tyran et traître vis-à-vis de ses anciens amis et compagnons de lutte pour l’indépendance de la Guinée. Source: webguinee.net/images

Le Camp Boiro aura été incontestablement l’outil par lequel la Révolution guinéenne, comme Saturne, avait dévoré tous ses enfants. Les Guinéens en ont été traumatisés. Si traumatisés qu’ils n’ont pas osé imiter l’Afrique du Sud post-apartheid. Ils n’ont envisagé aucune commission “Vérité et Réconciliation”. Le manteau de la peur semble avoir mal recouvert le Camp de la mort.

Quinze ans après que Boiro eut été mis à nu, les Guinéens en ont toujours peur. Aucune recherche sérieuse n’a encore été entreprise pour montrer le vrai visage de ce camp de la culpabilité et de l’anéantissement. Quinze ans d’absence n’ont pas suffi pour entamer la puissance des acteurs et la portée de leurs actes pour neutraliser la Guinée. Les Guinéens n’ont même pas l’air d’avoir mesuré la portée du traumatisme qu’ils ont subi.

Quinze ans et quatre mois après la destruction de la Révolution qui avait usé de camp pour se maintenir, Boiro reste toujours un mystère, une misère, une inconnue, une complicité collective. Timides sont les âmes qui osent penser que, “la vérité historique” doit jaillir. Il faut qu’elle jaillisse pour que la Guinée s’y reconnaisse et…pardonne. Sans oublier. On ne saurait oublier une catastrophe d’une si grande portée.

Il est heureux qu’aujourd’hui, 15 ans après, à l’occasion du 22è anniversaire du 27 août d’anciens détenus commencent à oser… se souvenir. Et à parler. Nous en avons rencontré un, un petit détenu de Boiro. Petit par son rang social. Grand de taille, de corpulence et d’esprit qui a osé se souvenir.

Un chauffeur, le chauffeur d’Émile Cissé que N’Fa Siaka avait rencontré à plusieurs reprises dans la famille Gadha Oundou, à Kindia. Une famille qui avait la chance-malchance de produire de jeunes filles fort belles, objets des convoitises que vous connaissez. Mamadouba, ce chauffeur d’Émile Cissé, y avait rencontré le patron de la police politique de feu Ahmed Sékou Touré. Le crime a été consommé. Il n’en fallait pas plus pour que Mamadouba se retrouve au Camp Boiro pour 4 ans. Sans jamais avoir été interrogé. Il a vécu là avec son ex-patron, Émile Cissé, le super patron de Kalédou de Popodra, à Labé, et plus tard toute la zone de Kindia. Il s’est également retrouvé avec un de ses voisins et ami de Labé, un certain Fofana Baro de Dow Saré qu’il connaissait bien. Fofana Baro était de l’autre côté de la barrière. La Révolution lui avait confié la redoutable tâche de travailler aux côtés de N’Fa Siaka. Il s’occupait particulièrement de “ravitaillement”. C’est dans ses mains que mangeaient les prisonniers de Boiro. Voilà “la promotion” et la chance du chauffeur d’Émile Cissé. Mamadouba était chargé de porter à manger aux bagnards.

Il passait de cellule en cellule pour déposer la pitance quotidienne aux détenus, aux otages de la Révolution globale, multiforme et multi-crimes.

C’est le chauffeur qui apportait à manger à son ancien patron. “Emile Cissé est mort le 22 mars 1974”, soutient l’ancien chauffeur de l’ex-patron de Kindia. On m’a remis une demi-ration pour lui pendant 3 mois dix jours, que je déposais à la cellule n° 39 du Camp Boiro. Le 19 mars 1974, il a été transféré à la cellule n°49. La porte a été fermée. La fameuse lettre D. (Diète) y a été suspendue. Émile Cissé a crié là toute une semaine pour demander à boire. Personne ne pouvait faire quelque chose. La porte était fermée pour de bon. Quand il a cessé de crier, ils sont allés sortir le corps. C’était le 22 mars 1974”.

Ne vous faites aucune illusion! A Boiro, la mort était planifiée. Et le Responsable Suprême de la Révolution savait tout. Tout et tout. On a souvent accusé l’entourage et la commission d’enquête. En témoigne, le cas de Mara Kalil, l’ancien chef d’état major-inter armes. Nommé tel au Palais du Peuple le 5 juillet 1971. J’entends encore les voix perçantes des jeunes soldats de la Révolution, qui l’ont immédiatement porté en triomphe. Je les vois encore dans leur tenue kaki tout à fait à l’arrière, occupant toute la partie droite de la salle des Congrès du Palais du Peuple. Jeunes. Enthousiastes. Ils n’arrêtaient pas de scander les slogans du PDG et de son Responsable Suprême. Dans cette terrible matinée du 5 juillet 1971, tous les officiers de l’armée guinéenne avaient été conviés au meeting. Pour être dénoncés en direct, en face, par le Président. Zoumanigui, Bavogui, le Colonel Diallo…Tous démis de leurs fonctions. C’est Mara Kalil qui a pris immédiatement la relève à l’Etat-Major Inter-Armes.

Quand la conférence a pris fin, j’ai eu la triste occasion de revoir le Colonel Diallo dehors, à côté de l’esplanade du Palais du Peuple. Il avait rangé là sa “voiture Peugeot 404″. Ma moto était tout juste à côté. Par hasard. Quel hasard! J’étais arrivé peu avant lui. Je commençais à allumer la moto pour filer à la Rédaction de Horoya à Coléah quand il a ouvert la portière de sa voiture. “C’est cela, mon cher” a-t-il lancé à quelqu’un qui ouvrait également la portière de sa voiture de l’autre côté. Les deux ont ri. Je ne les ai plus revus. Ils ont été arrêtés la même nuit.

Le Commandant Mara Kalil, lui, le sera un peu plus tard, en 1974. Et jeté comme les autres au Camp Boiro. Comme s’il n’avait jamais remplacé personne à l’état-major inter-armes. C’est à Boiro qu’il a rencontré l’ancien chauffeur d’Émile Cissé qui lui apportait sa ration. Et Mamadouba de préciser: “C’est moi qui ai sorti les effets de Mara Kalil de la cellule n°12. On avait déjà transporté son corps je ne sais où. Mais, c’est moi qui ai sorti ses effets. Nous étions à la cellule n°5. J’ai remis tous les effets du Commandant Kalil au chef de poste. Sauf… un chapelet. J’ai découvert dans ces effets-là, un chapelet bizarre, fait de miche de pain. Vous connaissez les chapelets! Ils comportent 33 petits grains séparés par deux grains moyens, et un gros grain pour boucler le chapelet. Le tout relié par un fil. Le Commandant Kalil avait confectionné son propre chapelet avec la miche de pain. J’ai gardé ce chapelet… un moment. Le gros grain m’a intrigué. Il était trop gros. Je me suis caché pour le briser. Que contenait-il? Une lettre bien pliée, signée de la main du Président Ahmed Sékou Touré en personne! Une lettre de Sékou Touré dans un chapelet fait de miche de pain! Que disait-elle, cette lettre du Responsable Suprême de la Révolution? Ceci:

“Mara, il faut avouer ce que l’on te demande d’avouer. Je verrai ton cas après. A bon entendeur salut!”
Ahmed Sékou Touré

J’ai gardé la lettre. Effectivement, la commission d’enquête a eu tous les problèmes avec Mara Kalil pour obtenir des aveux. Soldat, il ne voulait rien dire qui ne soit conforme à la réalité. Au cours d’un interrogatoire, ils ont composé un numéro de téléphone et ont tendu le combiné à Mara Kalil. Au bout du fil, le Responsable Suprême de la Révolution. “Mara, il faut avouer ce qu’on t’a dit d’avouer. Je verrai ton cas après ”.

– Camarade Responsable Suprême de la Révolution, est-ce que vous pourriez mettre cela par écrit”.
– Aucun problème, Mara.

Et la note lui est parvenue. C’est celle-là que le Commandant Mara Kalil a soigneusement moulu dans la miche de pain. Probablement pour la postérité !

« Malheureusement, raconte Mamadouba, l’ancien chauffeur d’Émile Cissé, je n’ai osé sortir avec la note. Quand on m’a appelé pour m’annoncer ma libération, après 4 ans de détention sans que personne ne m’ait posé la moindre question, je me suis débarrassé de cette lettre dans ma cellule ».
Quels dommages!

Diallo Souleymane

Parmi ces victimes du 18 octobre 1971, il se pourrait que vous retrouviez un des vôtres

Au nom de la paix sociale et des priorités du moment, certains guinéens nous invitent à oublier les crimes passés des régimes dictatoriaux qui ont porté la Guinée à être une nation en déclin et dont les citoyens sont souvent stigmatisés dans le monde entier. Récemment, un de ceux-ci, qui a, pourtant, eu dans sa famille de nombreuses victimes, nous invitaient à faire comme les européens, qui malgré les horreurs de la deuxième guerre mondiale, se donnent la main pour construire un futur radieux.

Mais, ces gens font preuve d’ignorance car pour en arriver là, les européens n’ont pas oublié leurs victimes ni la nécessité de sanctionner les coupables identifiés afin d’éliminer toute forme d’impunité. Ils n’ont pas pris de raccourcis comme certains le voudraient en Guinée! Au contraire, ils ont emprunté sans équivoque la voix de la réconciliation. Auraient-ils agi de la même manière si la résidence de la Chancelière Angela Merkel s’appelait Hitlershaus? Ou si on ne commémorait que les dates qui ont émaillé la conquête du pouvoir de la part du criminel Hitler et celles de sa sanglante dictature? Ou encore si les manuels scolaires continuaient à nier ce qui s’est passé?

Dans notre pays, aucun effort n’a été entrepris pour qu’il y ait une réconciliation nationale. Au contraire, pendant que les fripouilles sont honorées, les martyrs sont oubliées. Si le Général Lansana Conté avait dans sa mentalité rétrograde et de militaire semi-illetttré des raisons pour honorer Sékou Touré pour l’avoir servi pendant de nombreuses années comme aide de camp et exécuteur de basses besognes, nous étions en droit de nous attendre du Président Alpha Condé, qui prétend avoir été professeur de droit, de réelles tentatives de rompre avec l’impunité qui a toujours prévalu dans notre pays, d’autant plus qu’il ne doit son propre salut qu’au fait de se trouver à l’étranger lorsque le criminel Sékou Touré l’a condamné à mort par contumace (selon certains). Au contraire, la Présidence porte toujours le nom de ce sanguinaire, au mépris de toutes ses victimes. L’anniversaire de sa mort donne lieu à des célébrations officielles, son parti bénéficie de financement public, etc.

Le Président Alpha Condé est le seul chef d’état à ma connaissance qui stigmatise la composante ethnique la plus grosse de son peuple. En outre, si sa gouvernance avait été aussi efficace qu’on le prétend, il y aurait eu une inversion de tendance dans le déclin du pays dans tous les domaines. Pour preuve, il ne satisfera à aucun des objectifs du Millénaire du développement. Notre pays ne serait pas le cancre de l’Afrique de l’ouest d’où est partie cette terrible épidémie, du nom d’Ebola, qui fait que les gens meurent à l’intérieur, qui a infecté d’autres pays et qui fait qu’à l’extérieur nous sommes des pestiférés au point que même nos enfants sont exclus des écoles parce que soupçonnés de porter la maladie. Personne ne connaît l’évolution de la maladie en Guinée car les données fournies par le gouvernement continuent à ne pas correspondre à la réalité.

Si vous voulez contribuer à l’édification d’une Guinée saine où ne se répéteront jamais les horreurs qui ont constitué notre histoire jusque’à présent, rappelez-vous le dicton que vous avez cité dans un de vos commentaires.

Alpha M. Diallo dit Alphadjo m’a envoyé la note suivante contenant une liste de noms de quelques victimes de cette terrible nuit du 18 octobre 1971, élaborée par l’Association des victimes du Camp Boiro. Elle est naturellement incomplète car les assassins n’ont pas laissé de traces ou celles qui ont été laissées ont disparu.

Il était une fois les fusillés d’Octobre 1971 :
Selon les témoignages des rescapés des camps de détentions politiques, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971, soixante-dix (70) détenus ont été extraits de leurs différentes cellules, déshabillés, ligotés et entassés dans des camions, direction l’échafaud.
Cette nuit inoubliable d’octobre 1971, soixante-dix Guinéens qui avaient combattu pour l’indépendance de leur pays, ont été ont fait l’objet de sacrifices rituels sur ordre de Sékou Touré.
Presque tous étaient des hauts cadres de l’état, ministres, ambassadeurs, gouverneurs, magistrats, ingénieurs, médecins, professeurs, des entrepreneurs et des citoyens lambda.
Mais pourquoi cette date du 18 octobre 1971? Parce qu’il s’agissait de sacrifices rituels prescrits par les voyants occultes du régime d’alors pour obtenir la chute du Président ivoirien Houphouët-Boigny dont il croyait que c’était le 70e anniversaire. Ces 70 hommes ont été extraits de leurs cellules dans quatre camps de détention politique: Boiro (Conakry), Kémé Bouraïma (Kindia), Soundjata Keita (Kankan) et El Hadj Oumar Tall (Labé).
Voici lune liste partielle des victimes massacrées dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971, élaborée par l’Association des victimes du Camp Boiro. Si vous trouviez les noms qui manquent et des photos, je vous prie de nous les communiquer [les points d’interrogation devant des noms indiquent que les informations concernant le martyr ne sont pas sures ou bien qu’elles sont incomplètes]:
ARIBOT « SODA » Souleymane Planteur
BAH Bademba Notable
BAH Mody Baïlo Commerçant
BAH Thierno Ibrahima Gouverneur /Chef de Cabinet
BALDE Abdoulaye Directeur Ecole Militaire
BALDE Oumar Ingénieur Secrétaire exécutif OERS
BAMA Marcel Mato Ministre 3 Août 1971 à Siguiri
BANGOURA Karim Ex Ambassadeur, Ministre des transports
Barry Abbas Douanier
BARRY Cellou Inspecteur des Douanes
BARRY Mody Oury Industriel (Fils de l’Almamy de Mamou)
CAMARA Ali Inspecteur Affaires financières (douanier)
CAMARA Baba Gouverneur
CAMARA Bakary chef de quartier juillet 1971
CAMARA Bakary Président du Tribunal
CAMARA Doussou Mory Financier
CAMARA Fama Douanier
CAMARA Filas Contrôleur du travail
CONDE Émile Gouverneur de Kankan (ancien Ministre ) juillet 1971
COUMBASSA Abdoulaye Commissaire de Police (Sécurité N’Krumah)
DIALLO Abdoulaye Docteur Chirurgien
DIALLO Alpha Amadou « M’en Parler » Ministre de l’information juillet 1971
DIALLO Alpha Taran Chirurgien, Ministre
DIALLO Karo Infirmier Camp Boiro juillet ou octobre 71
DIALLO Oumar Kounda Gouverneur
DIALLO Oury Missikoun Inspecteur Finances
DIALLO Souleymane Ex ministre Commerce Extérieur
DIALLO Souleymane Yala Directeur des prix et conjoncture arrêté 1971
DIALLO Youssouf Lieutenant juillet ou octobre 71
DIOP Ahmadou Tidiane “Saint Germain” Restaurateur
DIOP Tidiani Directeur Administratif FRIA
FASSOU Michel Sous Lieutenant janvier ou octobre 71 ???
GHUSSEIN Fadel Chef de Cabinet arrêté 1971
HABA Paul Commissaire 1971
HANN Saïdou ???
KABA ELHADJ Diafodé janvier ou octobre 71 ???
KABA Mamady Notable (Société Sogonikoun)
KEITA Fadiala Ambassadeur (Directeur Général OBK) juillet 1971
KEITA Kémoko Magistrat (Procureur Général) arrêté 1971
KOIVOGUI Massa Planteur, Secrétaire Fédéral Macenta
KOUROUMA Missa Ex Fédéral de Macenta
KOUROUMA Soma Ct Camp Samory juillet ou octobre 71 ???
MAKADJI Tidiane Agent SNE juillet ou octobre 71
MATHOS Gnan Félix Directeur Banque
M’BAYE Cheick Oumar Ambassadeur 6 août 1971
N’DIAYE Boubacar Lieutenant juillet ou octobre 71 ???
PORRI René, dit Doumbouya Chef Milicien Conakry 2
SAGNO Mamady Ministre juillet 1971
SASSONE André Directeur (témoin au mariage de Sékou Touré) arrêté 1971
SAVANE Morikandian Ministre [???]
SOW Aliou Contributions Diverses
SOW Mamadou Vétérinaire, Ministre du Plan [???]
SYLLA Fodé Saliou Magistrat Procureur adjoint, arrêté 1971
SYLLA Mamadouba Chef réseau SNE juillet ou octobre 71
THIAM Baba Hady Directeur de Banque juillet ou octobre 71
TOUNKARA Tibou Ministre juillet 971
TOURE Kerfala Urbanisme et Habitat
TOURE Sékou Sadibou Industriel Malien Directeur Fruitaguinée
Alpha M Diallo's photo.

Alpha M Diallo's photo.
Alpha M Diallo's photo.
Alpha M Diallo's photo.