Rwanda: Paul Kagame, le leader que j’aurais aimé haïr, mais aussi voir à la tête de tous les pays africains

Je suis contre toutes les formes de dictature. Au-dela des raisons politiques et morales, je le suis car mon père a été victime de la tyrannie de Sékou Touré . Moi-meme, j’ai failli finir au Camp Boiro, pour un simple contrôle d’identité, le jour même de mon arrivée à Conakry pour y passer mes vacances.

C’est lorsque les militaires étaient entrain de prendre nos noms que mon père et Barry III sont arrivés pour m’extirpé des griffes des tortionnaires.

En outre la dictature a ruiné les bases memes du développement socio économique de la Guinée et déchiré le tissu social au point que le pays n’arrive toujours pas à s’en relever, 31 ans après la mort du sanguinaire dictateur. A cause d’elle, j’ai vécu des décennies en exil, sans papier.

President Kagame meets with Alpha Oumar Konare, former President of Mali and African Union High Representative to South Sudan- Kigali, 24 August 2015

Mais, si j’étais rwandais, j’aurais fait comme ces près de 4 millions sur un corps électoral de quelque 6 millions de mes compatriotes qui ont signé en quelques semaines, des pétitions demandant au Parlement de modifier l’article 101 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. J’aurais applaudi, lorsque le Parlement à l’unanimité a donné, le mardi 11 août dernier, son feu vert pour une réforme de la Constitution dans ce sens.

J’ai vu Kigali quelques semaines après la fin de ce cauchemar que fut le génocide. J’ai senti l’odeur des corps en putréfaction dans les rues, j’ai vu les chiens engraissés pour avoir mangé de la chair humaine, les images des taches de sang visibles partout sont encore présentes dans ma mémoire. Aucun service n’était opérationnel. Cela veut dire ni banque, ni hôtel, ni restaurant, ni poste, ni police: rien!!!

J’ai fait partie de la première vague de fonctionnaires à aller à Kigali pour préparer l’arrivée des autres. Bien qu’étant fonctionnaires de la MINUAR2, mes collègues et moi, nous étions obligés de dormir à même le sol et à 4 dans le même bureau, celui du chef de la Section des NTIC, pendant plusieurs jours. Nous faisions la toilette avec de l’eau minérale, fournie par le contingent canadien, nous mangions des rations militaires du contingent militaire français. Ce sont les militaires indiens et australiens qui nous soignaient.

De par mes fonctions de chef de la section des services généraux et de président du bureau interne d’enquêtes de la MINUAR2, j’ai visité le pays en long et en large, par voiture et par hélicoptère, j’ai vu l’entité des dégâts qu’une guerre fratricide avait provoqués meme dans les endroits les plus reculés.

Pendant deux décennies, après avoir quitté le Rwanda, je n’ai jamais pu faire une conférence ou animé un débat sur mon expérience sans éclater en sanglots, même devant des enfants des écoles primaires ou devant des professeurs d’université.

J’y suis retourné en 2012 pour voir si la vue de ce qu’était devenu le pays depuis mon départ. Là où il n’y avait que ruines, il y avait des réalisations et des chantiers de construction de routes et de bâtiments, des parcs et des hôtels pour toutes les poches. La ville avait tellement changé que j’ai eu des difficultés à reconnaitre la route pour aller à la résidence que j’ai occupée pendant 2 ans et demi.

Dans les temps modernes, le Rwanda n’a jamais vécu une période de paix et de stabilité aussi longue que depuis que le Président Paul Kagame est arrivé au pouvoir. Durant cette période, le développement a été spectaculaire. S’il quittait le pouvoir, a-t-on l’assurance de trouver un autre dirigeant qui fasse mieux que lui pour maintenir la concorde nationale? On peut ne pas aimer ce que fait le Président Kagame en matière des droits humains, mais son régime a démontré sa capacité à maintenir le pays uni, malgré le lourd passé. C’est pourquoi, j’aurais aimé le détester, mais il reste mon dictateur favori et que je souhaiterais voir à la tête de nombreux états africains.

Dans cet article que ,’ai écrit sur le réseau fr.globalvoicesonline.org, traduit en 6 langues, je vous livre mes sentiments sur ce que j’ai constaté d’une manière documentée à propos du Rwanda. Le titre original était: Rwanda: De sérieuses fissures sur le tableau d’honneur de Paul Kagame.

Colloque sur la prévention du recrutement d'enfants soldats par la RPA – domaine public
Colloque sur la prévention du recrutement d’enfants soldats par la RPA – domaine public

On ne peut pas effacer d’un trait les atrocités et autres tueries entre voisins, aboutissant à l’extermination de 800 000 à 1 000 000 de personnes soit environ 80 pour cent des Tutsis et de nombreux Hutus, (environ un sixième de la population totale du pays) en quelques semaines.

Vingt ans après, le processus de réconciliation a encore un long chemin à faire.  Pourtant, la volonté politique affichée par le gouvernement commence à donner des fruits. Sur le plan juridique le pays s’est doté d’une Commission nationale pour l’unité et la réconciliation. Créée en 2001, elle avait pour but de promouvoir l’unité, la réconciliation et la cohésion sociale entre les Rwandais et de construire un pays où tout le monde a les mêmes droits et contribuer à la bonne gouvernance.
Susan Thomson, professeur de politique africaine contemporaine aux Five Colleges (Hampshire College, Amherst, États-Unis d’Amérique), écrit dans un article publié sur le site du Cairn :

Sous la férule du RPF, l’État postgénocide a largement contribué à restaurer la paix, l’unité et la réconciliation aux quatre coins du pays. L’appareil d’État rwandais, solide et centralisé, a facilité une reconstruction rapide. À la différence de la plupart des autres États africains, le Rwanda est capable d’exercer son contrôle territorial avec une efficacité extrême. Les institutions de l’État ont été restaurées.

La Rwanda Peace Academy (RPA) a aussi été créée en 2009 avec l’appui du Japon et du Programme des Nations unies pour le développement. Son mandat est de: effectuer des recherches, développer et offrir des cours de formation professionnelle et des programmes éducatifs internationalement reconnus afin de doter l’armée, la police et le personnel civil des compétences nécessaires pour répondre aux défis actuels et futurs complexes de paix et de sécurité en Afrique.

Une des réalisations les plus remarquables du Rwanda a été la promotion de l’égalité des sexes dans de nombreux domaines. Le pourcentage de femmes au parlement rwandais est le plus élevé au monde, avec près de 64 pour cent, d’après le classement établi par l’Organisation internationale des parlements, à la date du 1er février 2014, sur 189 pays.

Louis Michel, ancien ministre belge et commissaire européen, note sur son blog personnel :

Ces résultats sont spectaculaires : en moins de dix ans plus d’un million de personnes ont été sorties de la pauvreté extrême et le pays a enregistré un taux de croissance économique stable de 8% par an. Plus de 95% des enfants ont aujourd’hui accès à un cycle complet d’éducation primaire, la mortalité infantile a été réduite de 61% tandis que les trois quart de la population ont accès à l’eau potable. Enfin, près de 50% des femmes ont accès à un moyen de contraception, ….. Cela fait du Rwanda l’un des très rares pays d’Afrique qui pourra affirmer avoir atteint la quasi-totalité des OMD en 2015.

Commencé en 2001,  le premier plan quinquennal pour le développement des nouvelles technologies a permis de réaliser des progrès significatifs. Au cours de la deuxième phase de ce plan, qui s’est achevé en 2010, le Rwanda a enregistré une croissance du nombre d’utilisateurs de 8 900%, contre 2 450% pour le reste du continent et 444% de moyenne mondiale. Le site africarenewal/fr fait savoir également que quatre divisions du secteur public (ministères, agences, provinces et districts) et près d’un tiers du secteur privé étaient présents sur le Web. Kigali joue, en outre un rôle de premier plan dans la gestion du système de surveillance de la navigation et des télécommunications aérienne dans toute la région.

Partant du principe cher au Président rwandais Paul Kagame selon lequel “Internet est un service d’utilité publique au même titre que l’eau et l’électricité”, en collaboration avec Rwandan Telecentre Network (RTN), le gouvernement a mis au point un plan pour le développement d’Internet dans les zones rurales. Un billet publié sur balancingact-africa.com relève que:

Rwandan Telecentre Network (RTN) s’est rallié aux efforts du gouvernement et s’est engagé à créer un réseau national de 1 000 centres TIC d’ici la fin de 2015 et à former du personnel local.

Toujours dans le domaine de l’accès aux nouvelles technologies, parmi les pays africains participant au programme One Laptop per Child (un portable par enfant), le Rwanda est le plus avancé dans sa réalisation: Selon des informations de Wikipedia mises à jour le 28 avril 2014:

En 2013, 400.000 ordinateurs portables XO-XS ont été distribués.

Les violations des droits humains au Rwanda 

Malheureusement, ce beau travail est gâché par de graves violations des droits humains qui sont rapportées par les organisations militantes. C’est une pratique initiée depuis quelques années. Déjà, en 2012, après avoir envoyé plusieurs missions dans ce pays, Amnesty International dénonçait:

Entre mars 2010 et juin 2012, Amnesty International a rassemblé des informations sur 45 cas de détention illégale et 18 allégations de torture ou d’autres mauvais traitements à Camp Kami, dans le camp militaire de Mukamira et dans des lieux de détention clandestins situés dans la capitale, Kigali. Ces hommes ont été détenus par le J2 durant des périodes allant de 10 jours à neuf mois sans avoir eu accès à des avocats, à des médecins ou à leurs proches.

Des cas d’assassinats d’opposants sont signalés même en dehors du pays.   Des journalistes ou d’anciens dirigeants politiques, qui ont été proches du président rwandais ont été arrêtés ou bien assassinés. Les dernières arrestations se sont vérifiées au début du mois d’avril 2014. Le site arretsurimages.net signale l’arrestation du célèbre chanteur Kizito Mihigo, lui-meme rescapé du génocide rwandais, et trois autres personnes, dont un journaliste, avec l’accusation d’avoir préparé un attentat à la grenade contre un immeuble de Kigali.Pourtant, Kizito Mihigo est connu pour son engagement en faveur de la paix. Il a même fondé une ONG pour l’éducation à la paix. On peut lire sur son blog Kizitomihigo :

Depuis l’année 2003, il a œuvré pour le pardon, la réconciliation et l’unité dans la diaspora rwandaise en Europe. En 2010 quand il est rentré au Rwanda, il a Fondé la Fondation KMP (Kizito Mihigo pour la Paix), une ONG rwandaise qui utilise l’art (musique, theatre poesie, ..) dans l’éducation à la Paix, à la Réconciliation et à la Non-violence après le génocide.

Le chanteur a plaidé coupable, mais de sérieux doutes sont soulevés de toute part sur plusieurs aspects de cette affaire.

D’autre part depuis quelques années les relations diplomatiques de Kigali avec plusieurs pays sont tendues. De pays choyé par l’occident, le Rwanda est entrain de devenir infréquentable et les suppressions de l’aide militaire et au développement se multiplient. Les relations diplomatiques sont tendues avec l’Afrique du Sud, suite aux assassinats d’opposants dans ce pays. Déjà, il y a eu des expulsions de diplomates des deux cotés.

Afrique: Année 2012, une croissance économique à peau de léopard

Un communiqué de la Banque mondiale en date du 15 avril fait savoir que la croissance économique en Afrique subsaharienne devrait atteindre plus de 5 % en moyenne en 2013-2015. Cette croissance, cependant est due essentiellement aux prix mondiaux élevés des matières premières et à l’augmentation des dépenses affectées à la consommation.

Cette période fait suite à une longue période de de croissance, dont celle de l’année 2012, qui a vu un quart des pays africains enregistrer taux supérieurs ou égaaux à 7 %. Il y a même un groupe de pays, dont font partie, notamment la Sierra Leone, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Liberia, l’Éthiopie, le Burkina Faso et le Rwanda, qui figurent parmi les pays qui connaissent la croissance la plus rapide au monde. Pour que cette croissance profite à une plus grande partie de la population, l’accès aux services de base doit être généralisée et ne pas représenté un privilège pour les « gens de en haut ».  Makhtar Diop vice-président de la Banque mondiale, pense que:

« Les pays africains devront procurer plus d’électricité, une alimentation nutritive, des emplois et des opportunités aux familles et communautés du continent afin d’améliorer leurs vies, de mettre fin à l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité commune », déclare le , . « Sans apport supplémentaire d’électricité ni d’augmentation de la productivité agricole, le développement futur de l’Afrique ne pourra être mené à bien.La bonne nouvelle est que les gouvernements africains ont la ferme intention de changer la situation actuelle.  »

Cependant, cette étude de la Banque mondiale relève des améliorations. Dans le communiqué de presse, on peut lire:

Africa’s Pulse suggère qu’un nombre de tendances émergeant sur le continent pourrait transformer son état actuel de développement au cours des années à venir. La promesse de revenus importants provenant de l’exploitation minière, une hausse des revenus créée par une expansion considérable de la productivité agricole, la migration à grande échelle des populations de la campagne vers les villes d’Afrique, et un dividende démographique potentiellement créé par la croissance rapide de la population jeune d’Afrique, comptent parmi les facteurs susceptibles de transformer l’Afrique.

L'agriculture et l'élevage doivent constituer les leviers du développement. Photo de T L Miles sur commons.wikimedia.org
L’agriculture et l’élevage doivent constituer les leviers du développement. Photo de T L Miles sur commons.wikimedia.org

Mais dans de nombreux pays, à des  taux de croissance élevés correspond un cout de la vie insupportable pour la majorité de la population. Cette croissance basée sur les exportations minières engendre un accroissement des importations de produits de luxe et alimentaires qu’on pourrait produire sur place. L’exode rural et l’incapacité de l’agriculture locale à répondre aux besoins de la population augmentent. L’argent, abondant pour les privilégiés, renchérit le cout de la vie. C’est ainsi que dans certains pays, exportateurs de pétrole par exemple, des loyers au prix du pain, les plus pauvres sont obligés de supporter des couts qui n’ont souvent pas de rapport avec ce qu’ils gagnent.

Heureusement, il y a des pays où, malgré certains aspects condamnables en ce qui concerne le respect des droits humains, l’accroissement de la richesse est aussi du à des facteurs diversifiés et contribue à faire sortir plus de gens de la pauvreté. Shanta Devarajan, économiste en chef pour la région Afrique de la Banque mondiale et auteur principal de ce rapport, relève que:

de 2005 à 2010, l’Éthiopie et le Rwanda ont connu une expansion de leurs économies de l’ordre de 8 à 10 % (soit entre 5 et 8 % par habitant), ce qui a entraîné une chute annuelle de 1,3 à 1,7 point de pourcentage de leurs taux nationaux de pauvreté.

Ministère des ressources naturelles, Kigali, Rwanda. Une photo que j'ai fete en juillet 2012
Ministère des ressources naturelles, Kigali, Rwanda. Une photo que j’ai fête en juillet 2012, lors de mon pèlerinage.

Le flux des investissements contribue à la croissance. Selon les données de la BM en 2012, par exemple, les flux nets de capitaux privés vers l’Afrique ont augmenté de 3,3 %, pour atteindre un niveau record de 54,5 milliards de dollars, et les entrées d’investissements directs étrangers ont connu un taux de croissance de 5,5 % en 2012, se chiffrant à 37,7 milliards de dollars. A ces flux, on doit aussi ajouter l’envoi de fonds estimés à 31 milliards de dollars pour 2012 et 2011, de la part des émigrés.

Dans de nombreux pays, la gouvernance a tendance à s’améliorer. Justement, à cause du déficit en matière de gouvernance, la Guinée, malgré ses réserves minières importantes et son potentiel agricole, restera encore pour longtemps en dessous de la richesse à laquelle ses habitants pourraient s’attendre. Après cinquante ans de production et d’exportation minières, les populations sont plus pauvres que jamais.

Rwanda: Un autre témoignage accablant sur le génocide

A peine arrivé à Jakarta, j’ai trouvé parmi les messages provenant de mes correspondants cette vidéo intitulée: Tuez-Les Tous / Genocide Rwanda 1994 {N°3} [Guerre]. Elle a réveillé en moi des souvenirs douloureux. Au moment où j’écris ce billet, il est 1 heure passée, mais je n’arrive pas à dormir.

Dans ce film, une grande part de responsabilité est attribuée à la France. Je ne dispose pas d’information prouvant le contraire. Et même, avant le début de cette tragédie, je me rappelle que le Rwanda était considéré comme un des meilleurs alliés de la France en Afrique centrale et dans la francophonie. Pendant la MINUAR2 qui a été déployée après le génocide, j’ai été chef de la Section des services généraux.

Je préfère me témoigner sur ce que j’ai vu au Rwanda de mes propres yeux. Il faut reconnaitre que malgré toutes les atrocités qui ont eu lieu pendant cette horrible période, avec une volonté politique sans faille, le gouvernement rwandais (critiquable sur de nos plans tels que droits humains et paix dans la région des grands lacs) a réussi à réconcilier une partie importante des protagonistes d’hier.

Entrée du parlement rwandais
Le parlement rwandais a une majorité de femmes. Photo de l’auteur

Pour la reconnaissance de la participation dans le génocide, ce sont 2 millions de personnes qui sont passées devant les tribunaux populaires, sans qu’il ait aucune condamnation. Un Mémorial pour les victimes du génocide attire des visiteurs du monde entier. Lors de ma visite il y avait des irlandais, des british, des belges et des américains. Malheureusement, j’étais le seul africain.

Mémorial aux victimes du génocide Kigali
250 000 corps sont ensevelis ici.

Sur le plan politique cela se traduit par un parlement ayant plus de femmes au parlement que n’importe quel autre pays au monde. Sur le plan de la scolarité des filles, on a atteint la parité absolue, sur le plan économique au Rwanda on peut constituer une entreprise en 3 jours, le PIB a été multiplier par 2 depuis 2005, etc. L’accès à Internet et électricité est partout. Certains feux aux carrefours je ne les ai pas vus encore en Europe. Il y a des publicités sur écrans géants toute la journée. A l’aéroport, contrairement à l’Europe et de nombreux autres endroits que j’ai visités, l’Internet est gratuit et on y a accès partout. La sécurité est telle que pendant tout mon séjour, une seule fois j’ai eu un taxi qui n’était pas conduit par une femme. La première, c’était après un diner chez un ami sénégalais et sa femme mauritanienne. A mon étonnement de voir une belle femme conduire un taxi après minuit. Elle a éclaté de rire, en me disant qu’à Kigali, il y avait la sécurité.

En juillet 2012, lorsque j’ai été à Kigali, ce qui m’a le plus frappé ce sont les nombreux chantiers que l’on voit partout.  En 1994, 2 semaines après la fin du génocide, lorsque j’y suis arrivé toutes les activités étaient à l’arrêt, les rues vides, l’odeur de cadavres en putréfaction envahissante, des grenades explosaient sur de nombreuses routes, des collègues qui avaient servi dans la mission avant le génocide ont retrouvé certains membres de leur personnel massacrés dans les maisons qu’ils avaient pris en location. J’ai dormi par terre avec 5 autres chefs de service dans une seule pièce, sans eau, parce que tous les hôtels avaient été détruits ou étaient hors d’usage. Nous utilisions l’eau minérale même pour la toilette. Nous mangions les rations militaires.

De par mes fonctions, j’ai visité tout le pays en voiture ou par hélicoptère. Certains endroits étaient impressionnants. Jusqu’à ma visite de juillet, je ne pouvais pas évoquer l’état du Rwanda sans sangloter. J’étais incapable de maitriser mon émotion. La dernière fois, c’était lors d’une conférence au mois de mai, devant des écoliers. J’en ai parlé à des collègues qui m’ont dit avoir eu la même expérience. Ils m’ont dit avoir et de continuer à avoir les mêmes souffrances lorsqu’ils évoquent cette période. Pourtant, certains ne veulent pas faire le pèlerinage au Rwanda pour effacer ces mauvais souvenirs, même après avoir vu mes photos sur Facebook ou Flickr.